Parler du canal, c’est revenir 185 ans en arrière
Nous allons commencer par le Pont de la Roque qui fut construit en 1852, en remplacement d’un premier ouvrage plus ancien, afin de permettre le franchissement de la Sienne au niveau de Regnéville sur Mer. Détruit en 1944, il ne subsiste plus de cet ouvrage, à l’état de ruines, que huit arches sur les onze à l’origine.
En fait, le début du canal de la Soulle et le port de Coutances se situent dans le contexte de développement des moyens de communications et de la politique de la navigation fluviale du gouvernement de la restauration de la monarchie de juillet.
En 1828, le conseil général de la Manche envisage la canalisation de la Soulles jusqu’à Coutances pour pouvoir commercialiser plus facilement la tangue (engrais marin) dont l’extraction, dans le Havre de Regnéville, était alors à son apogée. D’ailleurs, ce projet s’inscrit dans la volonté de joindre la Vire à la Sienne via la Soulle, à partir de Canisy.
Les travaux commencèrent officiellement le 10 avril 1837. La concession fut accordée aux Sieurs Polonceau et Collin qui étaient aussi concessionnaires du canal Vire Taute. Puis, cette concession passa au Sieur Moselman, concession accordée par ordonnance royale du 13 juillet 1836, pour 49 ans, à compter du jour de la mise en service. Le canal est officiellement ouvert au public le 28 juillet 1840.
Description du canal
Le canal, long de 5 462 mètres, présente un dénivelé de 9,60 mètres, racheté par quatre écluses à SAS situées sur la commune d’Orval : le moulin de Gruel, le moulin de la Sauvagère, la maison éclusière des Moulins (la paillasse) et le moulin de la Roque, cette dernière écluse servant de bassin de retenue dans l’intervalle des marées. La section des écluses est de 4,20 mètres, la longueur des SAS est de 23,10 mètres, le tirant d’eau sur les buses est de 1,20 mètre, les écluses sont construites sur des dérivations artificielles, la profondeur d’eau minimum est de 1,10 mètre et la profondeur moyenne est de 1,50 mètre. Le chemin de halage fait 3 mètres de large et est situé sur la berge de la rive droite. Des gabares à fond plat, de 11 à 18 mètres de long, de 3,50 mètres de large, de 0,65 à 0,85 mètre de hauteur, pouvant jauger de huit à quinze tonneaux voire vingt tonneaux, peuvent l’emprunter.
Le port de Coutances
Avec la canalisation de la Soulle, il fallait un port fluvial. Dans une lettre au maire de Coutances, le 16 mai 1840, M. Moselman propose d’aider la ville pour la construction d’un port, en avançant à la ville une somme de 18 000 FF, remboursable en vingt ans, afin d’aménager cette place contre la jouissance pendant vingt ans de ces terrains sur lesquels il pourra faire des constructions ; le port lui-même fait environ quatre hectares.
A l’époque, au Pont de la Roque, on compte de 2 à 3 milliers de charrettes qui vont, chaque jour, chercher l’engrais de mer.
En fait, le commerce du transport de tangue est peu considérable sur le canal car la navigation sur la Sienne, du Pont de la Roque à Regnéville, n’a lieu qu’au moment des marées.
Le canal rencontre des difficultés de fonctionnement puisque non terminé et, pour qu’il soit viable, il aurait fallu continuer la canalisation jusqu’au port de Regnéville.
En 1852, un projet pour l’amélioration du port de Regnéville est rendu public. Il permet de rendre praticable la partie inférieure du lit de la Sienne depuis le Pont de la Roque. La ville de Coutances, comme toutes les communes de l’arrondissement, est contre la continuation du canal qui, selon elle, remet en cause les Tanguières. En 1855, la baisse d’activité est très perceptible. En 1874, un rapport de l’inspecteur général nous dit que le canal est à l’abandon, que les conditions de navigation sur la Sienne sont impossibles et qu’il n’y a donc pas de véritable débouché sur le canal. L’Etat reprend la main sur l’exploitation du canal, en l’état. Le canal est cédé gratuitement par la compagnie des polders de l’Ouest à l’Etat, en 1876. Personne ne croit plus en l’avenir du canal qui finira de devenir inutile avec l’arrivée du chemin de fer.
Le déclassement et la liquidation du canal et du port de Coutances se font de 1876 à 1908
Un seul négociant use de ce mode de transport pour les marchandises. Il s’agit de Madame veuve Lemarre Négociant ; elle fait venir bois, charbon,brique, ardoise, , avoine, etc., sur les gabares qui transportent ces marchandises au port de Coutances où se trouve l’usine Lemarre. Entre l’écluse du Gruel et celle de la Sauvagère, se trouve une briquèterie appartenant et exploitée par Mme Lemarre.