La ligne Coutances-Lessay – 1909-1932
Projet de voie de chemin de fer (petit chemin de fer d’intérêt local)
Les plans se succédèrent entre 1890, 1894 et 1903. Le but était de relier les communes du littoral à Coutances car le développement économique de la zone côtière souffrait d’un manque de communications.
Le conseil d’arrondissement de Coutances, sous la pression publique, avait réclamé avec insistance des lignes de tramway vapeur ou à traction animale complémentaires, finalement inscrites dans un programme de chemin de fer départemental de la manche déclaré d’utilité publique et entériné le 23 juillet 1904.
La ligne de Coutances à Lessay fut mise à l’étude en 1905. Sa longueur était d’environ 37,6 kilomètres et la largeur métrique ; il n’y avait pas moins de dix-neuf arrêts sur ce trajet. En 1906, l’examen du tracé définitif permettra l’ouverture des chantiers en 1907. La ligne fut exploitée par les CFM de 1909 à 1937.
La machine-locomotive 030T fabriquée par la firme parisienne Frédéric Weidknecht, d’allure archaïque, circula, plutôt mal que bien, pendant sept années ; la vitesse était de 20 km/h sur la frêle voie, passait à 12 km/h dans les traversées de hameaux et à seulement 8 km/h au passage des aiguilles prises en pointe aux abords des stations. La machine transportait à chaque voyage 2 000 litres d’eau et 600 kilos de charbon dans les trois soutes faisant corps.
Le premier novembre 1914, un dimanche soir, entre la halte de Bricqueville la Blouette et la gare de Saint-Pierre de Coutances, la locomotive explosa. Il ne resta que les roues et l’on dénombra deux morts et un blessé.
La ligne de chemin de fer fut abandonnée en 1932.
Article du Journal du Coutances daté du Samedi 7 Novembre 1914
UNE EXPLOSION MEURTRIÈRE
Mercredi 4 novembre 1914
Dimanche soir (1er novembre), vers 7 heures, une formidable explosion se faisait entendre à Coutances et autour de notre ville.
Les habitants du quartier du Pont-de-Soulles sortirent de leurs maisons. Ils ne savaient pas à quelle cause attribuer ce bruit insolite, quand la locomotive du train des chemins de fer de la Manche ramenant les voyageurs de la mer à Coutances avait fait explosion à 450 mètres environ du Moulin du Gruel et à une distance à peu près égale de la gare Saint-Pierre-de-Coutances.
Le fait était malheureusement trop vrai.
Dans une courbe, bornée d’un côté par le canal, de l’autre par un vieux bras de la rivière, la machine avait explosé, rejetant à 200 mètres et même au-delà ses débris. De la locomotive et du fourgon, il ne restait que les roues.
Les voyageurs, dont les vitres de leurs wagons avaient été brisées, quittèrent leurs compartiments. Ils se préoccupèrent d’abord de porter secours au chauffeur, M. Florent Baumer, âgé de 49 ans, habitant de la rue du Pont-de-Soulles, resté sur l’arrière de la locomotive et dont les souffrances étaient atroces.
Ses vêtements, presque entièrement déchiquetés, la figure noircie, la jambe et le bras droits coupés, la malheureux fut transporté à l’hospice où il à rendu le dernier soupir vers 9 heures.
On donna aussi des soins au conducteur, du nom de Drieu, originaire de Créances, bléssé par l’explosion, et qui aujourd’hui reçoit les soins que nécessite son état.
Quant au mécanicien, que l’on recherche une partie de la nuit, il a été trouvé lundi midi dans le canal, que M. Esnouf et un employé des chemins de fer de la Manche exploraient à l’aide de gaffes depuis le matin.
Ce mécanicien s’appelait Kernéis. Originaire de Plougastel, il était âgé de 44 ans.
Comme le chauffeur, M. Kernéis ne devait pas rentrer le soir à Coutances. Ils avaient sollicité la permission d’y revenir, M. Baumer, à cause d’une petite fille gravement malade, M. Kernéis, pour une réunion de famille.
L’inhumation de M. Baumer et de M. Kernéis ont eu lieu ce matin, en l’église Saint-Pierre, en présence d’une nombreuse assistance attristée.
Samedi 7 novembre 1914
M. Drieu, toujours à l’hospice, a déclaré après l’accident : « En quittant Blainville pour rentrer à Coutances, à l’heure réglementaire, le mécanicien a fait de l’eau et nous sommes partis. Rien d’important ne s’est produit pendant le trajet. Entre la halte de Bricqueville la Blouette et la gare Saint-Pierre-de-Coutances et me trouvant dans mon fourgon, dont la porte de gauche en revenant vers Coutances était ouverte, j’ai été projeté en dehors du fourgon à une distance que je ne pourrais déterminer et j’ai été complètement assommé. »
M. Drieu a ajouté qu’il avait entendu souvent le mécanicien Kernéis se plaindre que la locomotive, qui portait la marque Weishmeckt (sic), ne répondait pas à la manœuvre. D’après l’enquête, le train a parcouru après l’explosion de la machine une distance de 34 mètres.